Comme toi, je ne suis ni docteur es biodiversité ni responsable RSE d’une grosse boite mais l’air que je respire et l’environnement (au sens strict comme figuré) dans lequel j’évolue, évidemment, ça m’intéresse.
Depuis quelques temps, on sent bien que la végétalisation est au centre des réflexions. Mais pour comprendre le pourquoi du comment, c’est l’avis d’un expert qu’il me fallait !
Benjamin Doré, architecte paysagiste chez Jean-Paul Viguier Architecture nous éclaire sur les différentes réponses apportées aux problématiques actuelles de pollution, d’urbanisation accélérée et plus généralement de qualité de vie. Comment les architectes construisent aujourd’hui la Green City de demain… Benjamin, on t’écoute !
VEGETALISATION : LE POURQUOI DU COMMENT
TITC / Quelles sont les vertus de la végétalisation ?
BD / Il y a plusieurs avantages à la végétalisation, en intérieur comme en extérieur.
De façon purement ESTHETIQUE, un jardin ou simplement une plante verte est un élément de déco que l’on peut juger beau, à la mode ou qui participe à meubler. Certains venteront les qualités apaisantes, ‘jolie’ pour les yeux ou encore contemplatives d’une plante mais c’est indéniable, il est agréable de déjeuner sous un arbre ou encore d’avoir des grands arbres dans son Restaurant Inter Entreprise !
SOCIOLOGIQUEMENT parlant, des études ont prouvées que les citadins vivant à proximité d’un parc ou un espace vert, bénéficiaient d’une « baisse du niveau d’angoisse et une augmentation du bien-être par la régulation de la fatigue mentale ». Baisse de l’hyperactivité, effet tranquillisant et aide à la concentration ont également été constaté. Enfin les parcs, squares et autres espaces verts sont des lieux de mixité (intergénérationnel,…) et d’activités incroyables, particulièrement en ville.
ECOLOGIQUEMENT parlant, les plantes sont un outil contre la pollution. En capturant le CO2, elles participent aussi à la lutte contre les effets de chaleurs ; A proximité des parcs, la température baisse de plusieurs degrés.
Enfin, les plantes en général sont le garde-manger ou l’habitat de nombreuses espèces d’insectes, d’oiseaux … et nourrissent quasi systématiquement les premiers maillons de la chaine alimentaire.
Pour toutes ces raisons, et il y en a encore pléthore, le végétal revient sur le devant de la scène.
TITC / Pourquoi est-ce important qu’elle fasse partie intégrante des nouveaux projets ?
BD / Pour toutes les raisons que j’ai évoquées au préalable.
Nous créons maintenant systématiquement des univers extérieurs dans nos bâtiments. Les nouvelles façons de travailler, less envies de se sentir sur son lieu de travail comme chez soi, font que nos intérieurs regorgent de ‘vert’ et sont le plus souvent possible lié à un extérieur.
Un exemple, nous sommes en train de créer un nouveau siège pour le groupe Vinci où l’on trouve quasiment 1 hectare (10 000M2) d’espace extérieur, la totalité en terrasses !
Tous ces espaces ne sont pas des espaces perdus. Ils ont des usages bien définis pour participer aux nouveaux objectifs de bureaux du 21e siècle. Détentes évidemment, mais aussi lieux de travail, outils de communication interne et externe, lieux propices à la créativité, lieux d’accueil, zone de test, terrain de sport….
De la même façon, à l’intérieur, des plantes accompagnent les aménagements que nous proposons. Ils cloisonnent les espaces, filtrent la lumière ou encore participent au bien-être acoustique des salariés.
TITC / Quels sont les critères d’un bâtiment propre ?
BD / Les règlementations, notamment les PLU des villes, participent à la végétalisation des terrains en obligeant un pourcentage de la parcelle à être planté ou en forçant à la plantation des espaces extérieur.
Le second relais vient surtout des labels, et notamment les grands labels internationaux comme le Leed ou le Breeam. De nouveaux labels comme Biodiversity aident également à la végétalisation dans le bâtiment.
Pour en savoir plus
Label Leed
Label Breeam
Label Biodiversity
ET EN VRAI ?
TITC / Quelle ligne directrice guide vos projets ?
BD / A l’agence, nous avons la chance de pouvoir réunir toutes les expertises pour imaginer nos projets, architectes, paysagistes, architectes d’intérieur et même d’ingénieurs. En fonction de la destination du bâtiment, la ligne directrice et notre vision se dessinent naturellement. Un siège d’entreprise sera plutôt vu sous le prisme du travail et des nouvelles façons de l’aborder, alors qu’un hôpital sera plutôt appréhendé sous un angle de bien-être.
Le végétal joue un rôle dans les deux cas.
TITC / Comment les espaces végétalisés sont-ils concrètement intégrés dans les projets de construction?
BD / Nous avons différentes échelles de projets et travaillons sur divers programmes. Les espaces végétalisés trouvent quasi systématiquement leur place sur les toitures mais aussi sur les terrasses, loggias, jardins …
TITC / Qu’est-ce que le design végétal ?
BD / Je ne sais pas vraiment… Un terme inventé pour dire qu’on fait des bancs avec des pots intégrés 😊 ?
Ce qui est certain est que le végétal peut jouer plusieurs rôles, esthétiques parfois (j’imagine que c’est la vocation du ‘Design Végétal’) mais il est plus intéressant de lui attribuer d’autres rôles tout en conservant sa qualité première.
Pour nous qui faisons beaucoup de centres commerciaux, c’est un terme qui est souvent introduit par les décorateurs, c’est donc encore très très déco.
TITC / Ton coup de cœur végétal ?
BD / Si on parle d’une plante, je dirai l’Erigeron karvinskianus. Facile, jolie, se ressème toute seule, on dirait une petite pâquerette qui fleurie, aime le soleil, elle me rappelle le sud !
Si c’est un ensemble, je dirai le parc Martin Luther King dans le 17e arrondissement, œuvre de la paysagiste Jacqueline Osty.
ET DEMAIN ?
TITC / Que faire des bâtiments vieillissants ? Comment les rendre plus « respirables » ?
BD / On peut faire pleins de choses d’un vieux bâtiment mais le végétal n’a pas de rôle pour cela ; c’est d’abord une affaire d’architecture pour pouvoir redessiner les espaces, revoir les hauteurs ….
Nous sommes en train de refaire une tour à la Défense, une tour des années 70 devenue invivable et plus louable. Tout en conservant la structure, nous greffons un bâtiment sur le socle avec un jardin intérieur, et l’augmentons de quelques étages avec un grand jardin sur le toit avec vue sur Paris.
TITC / Y-a-t-il une volonté de préserver les espaces verts actuels ?
BD / Les espaces verts sont, dans les zones denses, quasiment toujours protégés par les plans d’urbanismes. Un exemple, couper un arbre à Paris doit faire l’objet d’une déclaration.
TITC / Dans 20 ans, à quoi pourraient ressembler les grosses agglomérations ? Qu’est-ce que la green city ?
BD / Dans 20 ans, les grosses agglomérations seront des métropoles. Ce terme juridique va impacter aussi bien la taille de ces villes que les espaces qui y seront intégrés. Ainsi, dans la métropole parisienne, on trouvera des fermes, des champs…
La green city sera dense, pour être moins énergivore, plus rapide, moins consommatrice d’espaces. Le végétal trouvera sa place dans chaque recoin. Le green sera présent en façade, sur les terrasses, sur les toits et surement dans les caves et même les parkings !
LA VEGETALISATION POUR LES NULS
TITC / On respire bien au bureau mais à la maison, que peut-on faire pour améliorer la qualité de l’air ? Peut-on végétaliser son intérieur ?
BD / Il existe des plantes dépolluantes mais je ne suis pas sûr que concrètement cela marche. Par contre, c’est toujours agréable d’avoir une plante verte ou des jardinières aux fenêtres !
TITC / Quelles sont les plantes dépolluantes justement ?
BD / J’aime assez le Tillandsia mais ne les connais pas toutes ! Les grands magasins de jardinage raviront les plus motivés avec des rayons plutôt bien fournis.
TITC / Question de fainéante : Quelles sont les plantes qui ne nécessitent (quasi) aucun entretien ?
BD / Très difficile car il faut toujours arroser un peu… En intérieur, les cactus ! On commence à en trouver beaucoup et de très intéressants. La plante que j’ai cité avant, le Tillandsia est une espèce qui ne nécessite pas de substrat et récupère son eau dans l’air ambiant… mais quand même, il faut un minimum faire attention à elle !
EPILOGUE
Qualité d’air, isolation thermique et acoustique, apaisement, attraction des lieux ….
Parce que ses vertus sont nombreuses, la végétalisation n’est pas seulement au centre des réflexions mais bien au cœur des projets. Bonne nouvelle donc puisqu’a priori, ça nous rend plus heureux 😊
A l’heure où l’urbanisation n’en finit pas de s’accélérer, quel soulagement de savoir qu’un mètre carré végétalisé = un mètre carré utile !
Les projets de construction, les différents labels et réglementations marquent une réelle volonté de rapprocher les espaces urbanisés et les milieux naturels, d’améliorer leurs échanges et leurs complémentarité.
Personnellement, ça me rassure de savoir que je continuerai à faire mon jogging au parc et non, au 35éme étage d’une tour… Comment ça, je ne fais pas de jogging ?….Pardon, mais ce n’est pas le sujet ! Bref. Désormais, nous ne sommes plus tout à fait novice en la matière et c’est ça qui compte !
Et surtout, un grand merci à Benjamin Doré pour cette interview pleine de chlorophylle !
Pour aller plus loin
JP VIGUIER ARCHITECTURE
PARIS SMART CITY 2050
SINGAPORE, THE CITY IN A GARDEN